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#Santé

Futures thérapies de la cornée : la promesse des cellules souches

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OPTICIENS ORTHOPTISTES OPHTALMOLOGISTES
19/04/2023

Suite de notre dossier spécial dédié aux pathologies de la cornée et de leurs prises en charge médicales et chirurgicales.

Si le standard actuel en chirurgie cornéenne est de remplacer la cornée en utilisant des greffons de « pleine épaisseur », la thérapie cellulaire cible quant à elle le renouvellement spécifique des cellules de la couche épithéliale (externe), du stroma (intermédiaire) ou de l’endothélium (couche interne) de la cornée. Loin d’être une découverte récente, cette approche est explorée depuis un peu plus de deux décennies. Le point avec le Pr Vincent Borderie de l'hôpital des Quinze-Vingts à Paris, pionnier de ce domaine.

C’est par la surface qu’a commencé la recherche sur la thérapie cellulaire cornéenne, avant de pénétrer dans l’épaisseur de l’organe. Les premières cibles étaient donc les cellules souches dites limbiques, qui sont à l’origine du renouvellement de l’épithélium cornéen. En effet, ce tissu, soumis à de nombreuses agressions extérieures (pollution, traumatismes, irritations, infections…) est en renouvellement permanent. En fait, son taux de renouvellement est même le plus rapide de l’organisme. Dans un certain nombre de cas, accidentels ou pathologiques, un patient peut présenter un déficit en cellules souches limbiques, donc un défaut de renouvellement de l’épithélium cornéen. Ce déficit va mener à l’apparition d’ulcérations chroniques et à un envahissement de la surface cornéenne par un épithélium opaque et vascularisé, d’origine conjonctivale. En plus d’une baisse drastique de la vision pouvant aller jusqu’à la cécité, cette pathologie s’accompagne de nombreux symptômes impactant la qualité de vie du patient : photophobie, irritation, larmoiement, douleur oculaire

 

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Pr Vincent Borderie,ophtalmologiste, professeur des universités–praticien hospitalier, coordinateur du centre de la cornée et de la chirurgie réfractive. Chef du service d’ophtalmologie V hôpital des Quinze-Vingts, Paris. Directeur du Groupe de Recherche Clinique 32, Sorbonne Université, Paris, France. © Institut de la Vision – SU_LArdhuin

 

De la greffe de limbe à la greffe issue de cellules souches

Les premiers traitements développés à la fin des années 80 consistaient à prélever dans l’œil controlatéral sain une partie du limbe, pourtour de la cornée et siège des cellules souches limbiques, pour le greffer sur l’œil malade. « Il n’y a pas besoin d’avoir 360° de limbe sain pour que la cornée fonctionne normalement. Il est possible d’affaiblir localement le limbe sans pour autant qu’il y ait des conséquences sur la cornée », précise le Pr Borderie. Si cette intervention est toujours effectuée par certains chirurgiens à l’heure actuelle, elle est tout de même assez invasive pour l’œil sain. Une vingtaine d’équipes de recherche se sont donc penchées sur la possibilité de faire évoluer le traitement en ayant recours à la thérapie cellulaire pour diviser par 3 ou 4 la quantité de tissu limbique prélevé. Différentes techniques ont ainsi été développées, mais le principe général est le même : prélèvement de cellules souches limbiques, culture en laboratoire et greffe des fragments d’épithélium cornéen obtenus sur toute la surface cornéenne une fois l’épithélium conjonctival pathologique éliminé.

Pour obtenir ces cellules, deux voies majeures ont été explorées. La voie autologue, où les cellules sont directement issues du patient, implique que la pathologie soit unilatérale et donc que l’autre œil soit sain, ou bien que les cellules puissent être dérivées d’un autre tissu. C’est le cas d’une approche alternative qui profite de la facilité de prélèvement dans la muqueuse buccale et parvient à obtenir des cellules proches de celle de la cornée, mais avec de moins bons résultats sur l’amélioration des symptômes. Autre voie possible, les greffes allogéniques, provenant d’un donneur. Avec le recul, là où les greffes allogéniques présentent un risque de rejet, le taux de succès des greffes autologues est estimé à 70%. Dans l'essai clinique réalisé par le Pr Borderie, et publié (1) en septembre 2019 dans la revue Stem Cells Translational Medicine, le gain moyen d'acuité visuelle pour les patients qui avaient reçu des cellules souches limbiques autologues cultivées était de 9 lignes. Soit, pour un patient ayant une acuité visuelle à 1/50 avant la greffe, le passage à une acuité visuelle de 3/10 après la greffe. Pour autant, la technique peine à se développer du fait de deux obstacles majeurs.

(1) Borderie, V.M., et al. (2019), STEM CELLS Translational Medicine, 8: 1230-1241. https://doi.org/10.1002/sctm.19-0021


Le premier est d’ordre réglementaire, avec une législation sur l’utilisation des produits de thérapie cellulaire qui se fait de plus en plus exigeante. Le second est financier. Le laboratoire italien Chiesi, qui s’était saisi de la technique pour la développer commercialement, aboutissait à un coût de production de l’ordre de 100 000€ par greffe. Enfin, les dernières recherches côté thérapie cellulaire se penchent sur les cellules souches induites à la pluripotence, ou iPS (voir article "L'édition de gènes, une nouvelle ère pour la thérapie génique en ophtalmologie" sur Guide-Vue.fr). Cette approche permet de partir de fibroblastes issus d’une biopsie cutanée plutôt que d’un prélèvement de la surface oculaire. Même si le recours aux iPS n’est pas encore au stade clinique, il semble néanmoins être une voie d’avenir.

 

 

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© DR - Hôpital des Quinze-Vingts
 

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© DR - Hôpital des Quinze-Vingts

 

 

Les cellules souches du stroma, une découverte récente et prometteuse

Découverte beaucoup plus récemment, il y a une dizaine d’années, les cellules souches du stroma sont également situées au niveau du limbe, dans sa partie interne. « On pense à l’heure actuelle que ce sont ces cellules qui vont aller générer et renouveler les cellules du stroma cornéen, les kératocytes », précise le Pr Borderie. Facilement cultivables, elles ont permis à la communauté de recherche d’atteindre la phase préclinique pour ce volet des traitements. « Nous avons démontré sur un modèle souris que lorsqu’on injecte ces cellules dans le stroma, on restaure la transparence de la cornée. Ce sont des cellules sur lesquelles on fonde beaucoup d’espoir. Elles ont peut-être un autre intérêt encore car elles ont également une fonction de support, nourricière pour les cellules souches limbiques. Il est donc possible qu’elles puissent avoir un rôle thérapeutique au niveau de l’épithélium » détaille le chercheur, qui prépare actuellement le premier essai clinique au monde utilisant ces cellules. Déjà financé, cet essai de phase I/II a pour objectif de tester le potentiel d’injections dans la cornée d’une suspension de cellules souches du stroma pour la restauration de la transparence cornéenne.

La greffe de cellules endothéliales, un espoir pour la première indication des greffes de cornée

Dernière-née des thérapies cellulaires, celle qui concerne l’endothélium cornéen. Celui-ci est formé d’une monocouche de cellules qui présentent une fonction de pompe, permettant de maintenir la cornée dans un état de déshydratation relative, compatible avec sa fonction de transparence. Sans ces cellules, la cornée se gonfle de l’eau contenue dans l’humeur aqueuse, devient œdémateuse et perd sa transparence. Pathologie responsable de la majorité des recours à des greffes de cornées, d’abord complète jusqu’il y a deux décennies, la thérapie a évolué vers une greffe uniquement endothéliale depuis une vingtaine d’années : après élimination des cellules malades, une greffe de la partie postérieure de la cornée est effectuée pour apporter des cellules saines, soit encore une greffe tissulaire.
L’étape suivante serait la greffe de cellules cultivées. Une tâche à laquelle les scientifiques se sont attaqués depuis trente ans précise le Pr Borderie, qui explique : « La présence de cellules souches endothéliales dans l’endothélium cornéen n’a pas été identifiée formellement. A l’inverse, les cellules endothéliales semblent ne pas se renouveler au cours de notre vie, mais présenter une extrême durabilité ». Or, récemment, une équipe japonaise, sous la direction de Shigeru Kinoshita, a réussi le prodige de faire pousser ces cellules, en préservant leur fonction de pompe. De premiers essais cliniques ont ainsi été menés et une soixantaine de patients a reçu une injection de cellules cultivées dans l’œil. « On ne peut pas encore parler de cellules souches, mais les résultats qui ont été présentés semblent encore meilleurs que ceux de la greffe de cornée. Nous attendons donc tous impatiemment que la technique se diffuse, conclut le Pr Borderie, en espérant que le coût de production sera acceptable, en comparaison d’une greffe endothéliale qui coûte 1500 à 2000 €. » De fait, malgré une technique maintenant maîtrisée, la thérapie cellulaire cornéenne est entravée par l’accroissement constant des exigences réglementaires et le coût de production. Espérons que les futurs développements de la recherche dans le domaine sauront trouver des économies d’échelle et faire la preuve de leur sécurité, pour qu’enfin ces traitements atteignent les patients.

 

La SLET, une voie rapide qui s'affranchit des cellules souches

Au début des années 2010, une équipe du L V Prasad Eye Institute, en Inde, a développé une technique appelée SLET, pour Simple limbal epithelial transplantation, soit transplantation simple d’épithélium limbique.
Elle consiste, dans une même opération, à prélever des cellules sur un œil donneur sain, à les faire adhérer à une membrane amniotique et à implanter ces petits explants directement dans l’œil malade. Les cellules vont donc directement pousser sur place, ce qui permet de s’affranchir des coûts de mise en culture et d’une partie des complexités réglementaires pour sécuriser un produit de thérapie cellulaire. « Dans les années 2000, j’ai été le premier en France à avoir l’autorisation de débuter la thérapie cellulaire en ophtalmologie, ce qui a demandé trois ans de travail, plusieurs dossiers, dont le dernier faisait 1000 pages pour obtenir l’autorisation de l’AFSAPS (l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) de greffer les premiers patients », souligne le Pr Borderie.
La SLET étant un procédé beaucoup plus léger, avec un taux de succès équivalent aux greffes autologues tout en coutant moins cher, l’ensemble des équipes de recherche se réorientent vers cette technique.

Propos recueillis par Aline Aurias

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