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#Santé

Pathologies de la cornée, quelles prises en charge médicales et chirurgicales ?

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OPTICIENS ORTHOPTISTES OPHTALMOLOGISTES
12/04/2023

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 10 millions de personnes dans le monde souffrent d’une perte de la transparence cornéenne, et par conséquent d’un défaut de vision. Si la greffe de cornée représente le traitement de choix, et est la plus réalisée à l’échelle mondiale avec plus de 100 000 patients greffés chaque année dans le monde, elle ne couvre que 1% des patients. La faute au manque de donneurs pour l’Occident, et au défaut d’accès aux soins dans le Sud global. Le répertoire de traitements possibles, encore assez réduit, rend la recherche sur le sujet absolument essentielle. Ces dernières décennies, elle a ainsi permis de perfectionner les greffes lamellaires, qui permettent de ne remplacer que la partie pathologique de la cornée. Le travail des chercheurs et cliniciens a aussi permis la prise en charge de certaines kératophathies neurotrophiques réfractaires, grâce à une technique de réinnervation appelée neurotisation. Enfin, le développement de la thérapie cellulaire, qui permettrait d’améliorer l’état cornéen grâce à des greffes de cellules souches, donne des résultats très prometteurs.

Le point avec les Professeurs Bouheraoua et Borderie, cliniciens à l’hôpital des Quinze-Vingts et chercheurs à l’Institut de la Vision et le Dr Alain Chédotal, directeur de recherche à l’Institut de la Vision.

 

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En photos : à gauche, Pr Nacim Bouheraoua, médecin ophtalmologiste - chercheur à l'hôpital des Quinze-Vingts et Institut de la Vision, Paris, professeur des Universités, coordinateur FGC-PIO Fédération de Gestion Commune des Pathologies Infectieuses Ophtalmologiques. À droite, Dr Alain Chédotal, directeur de recherche Inserm, coordinateur du département de Développement à l'Institut de la Vision, Paris, membre de l'EMBO, de l’Academia Europaea et de l’Académie des Sciences.
© Institut de la Vision – SU_LArdhuin 


La greffe de cornée, le traitement de référence

En France, près de 5000 greffes de cornée sont réalisées par an. Elles s’inscrivent dans une longue trajectoire historique. En effet, les premières greffes de cornée documentées, sur des modèles animaux, datent de 1824. Il faudra attendre 1906 pour qu’un ophtalmologiste de Prague, Eduard Zirm, réussisse une première greffe de cornée chez l’homme. Cette greffe de pleine épaisseur, ou transfixiante, tiendra six mois. Du fait de la richesse antigénique de la couche interne de la cornée, et du risque majeur d’infection liée au fait de transplanter toute l’épaisseur de la cornée, les greffes transfixiantes seront délaissées pendant toute la première partie du 20e siècle et cela jusqu’à l’avènement des traitements antibiotiques et des traitements immunosuppresseurs antirejet comme les corticoïdes.
La greffe transfixiante consiste à remplacer toute l’épaisseur des 8mm de diamètre correspondant au centre de la cornée pathologique par celle d’un donneur. La trépanation circulaire, qui se suture par une dizaine de points, provoque cependant une fragilisation mécanique du globe oculaire, qui peut mener à sa réouverture en cas de traumatisme. De plus, la transplantation de la couche endothéliale, qui n’est pas utile dans les nombreuses pathologies où elle reste saine, risque d’affecter sa fonction de pompe et donc de rendre l’œil œdémateux à moyen terme. Quant au remplacement des couches supérieures de la cornée, lorsqu’elles ne sont pas touchées par la pathologie, il induit un retard important dans la récupération visuelle par l’astigmatisme induit par la suture cornéenne. Pour pallier ces inconvénients et difficultés, ont été progressivement développées des techniques dites de greffes lamellaires où seule la partie de la cornée atteinte par la pathologie est remplacée.

Des améliorations majeures dans les greffes lamellaires antérieures

Selon l’indicateur de l’Agence de la biomédecine, en 2009, les indications de greffes transfixiantes de la cornée en France se répartissaient pour 40,5% des cas pour une affection touchant le stroma ou les couches les plus antérieures de la cornée et pour 47,6% des cas pour une pathologie endothéliale isolée. Remplacer sélectivement les compartiments cornéens pathologiques semble donc tout à fait pertinent. Ainsi, pour les kératocônes, opacités et irrégularités de la surface cornéenne, lorsque l’endothélium est sain, une kératoplastie lamellaire profonde, qui remplace l’ensemble du stroma tout en préservant l’endothélium est la technique la plus adaptée. Pour cela, elle fait appel, après dissection manuelle, à l’injection d’air sous pression dans le stroma, ce qui va permettre de dissocier l’endothélium à protéger du stroma cornéen, qui est ensuite réséqué. Un greffon de donneur sans endothélium est ensuite suturé en place. Cette technique qui ne greffe pas d’endothélium, provoque ainsi très peu de rejets, et améliore grandement le pronostique visuel. Elle présente un taux de réussite chirurgicale de 95%.

Ne greffer que l'endothélium, c'est possible

De leur côté, les indications d’insuffisances endothéliales peuvent être traitées par une greffe lamellaire postérieure, de mise au point plus récente. Il en existe deux formes, dont l’une est partiellement automatisée par l’usage d’un microkératome pour façonner le greffon. Cette technique nécessite une incision périphérique de 4 à 5mm, bien plus petite que les 360° d’une greffe transfixiante ou lamellaire antérieure, et fragilise ainsi moins le globe oculaire. Pratiquée au niveau du limbe, cette incision permet l’ablation de l’endothélium pathologique central. Le greffon, constitué de l’endothélium du donneur et d’une couche de ses cellules stromales, va être plié en deux et injecté dans l’œil. Déployé grâce à une injection d’air, il est positionné et maintenu en place par une bulle d’air, et le patient maintenu couché sur le dos quelques heures, le temps que les couches de cellules stromales adhèrent correctement. Enfin, encore plus récemment a été développée la greffe endothéliale pure, dans laquelle, après dissection de la couche endothéliale du greffon cornéen, seuls les 10 µm d’endothélium du donneur sont injectés dans l’œil, sous la forme d’un petit rouleau. La taille de l’incision est encore réduite, passant à environ 2mm, incision similaire à celle pratiquée pour la cataracte. Là encore l’injection d’air permettra de venir déplier, positionner dans le bon sens, et plaquer le greffon contre le stroma postérieur. Ces greffes lamellaires postérieures présentent un taux de réussite chirurgicale supérieur à 95%, avec une survie des greffons à 2 ans de plus de 80%.
Qu’elles soient transfixiantes ou lamellaires, les greffes permettent donc d’améliorer sensiblement l’acuité visuelle des patients atteints de pathologies de la cornée. Cependant pour qu’une telle greffe puisse prendre, il faut s’assurer que la cornée soit correctement innervée.

 


cornee-part-1-urgence Guide-Vue.fr

 

Favoriser une bonne innervation de la cornée, pourquoi ? Comment ?

Si la cornée est la partie la plus innervée du corps, ce n’est pas uniquement pour protéger l’œil par des clignements ou larmoiements réflexes. Les nerfs cornéens jouent également un rôle majeur dans le maintien de la transparence cornéenne. Les facteurs trophiques qu’ils sécrètent promeuvent en effet le maintien et le renouvellement des cellules de l’épithélium cornéen.
En retour, ces cellules épithéliales sécrètent des molécules trophiques qui aident à la repousse des nerfs lorsque ceux-ci sont endommagés. Ainsi lorsque l’innervation cornéenne est altérée, les patients développeront des lésions cornéennes allant de la sécheresse oculaire à la kératopathie neurotrophique pouvant se compliquer de perforation oculaire dans les cas les plus sévères et donc de perte anatomique de l’œil. La réalisation de greffe de cornée pour traiter une opacité n’est ainsi pas réalisable en absence d’innervation cornéenne car celle-ci ne pourra pas cicatriser. Une des premières pistes explorées pour résoudre cette problématique a été l’usage de collyres contenant un des facteurs de croissance de l’innervation le NGF pour « nerve growth factor ». Ce NGF est issu des recherches de Levi-Montalcini, prix Nobel de médecine en 1986 pour sa découverte en 1950. Après un long travail de développement industriel et clinique, un traitement a pu être commercialisé en 2016 pour les patients présentant un déficit partiel de l’innervation cornéenne. Onéreux, il n’est cependant plus remboursé par la sécurité sociale et n’est plus inaccessible en France.
D’autres pistes thérapeutiques médicales sont en cours d’exploration, en effet le développement de l’innervation, n’est pas un mécanisme aléatoire, certaines cellules environnantes des axones produisent des molécules de guidage, qui vont attirer les nerfs d’un endroit à l’autre. Cela fait comme de petites bornes sur le trajet du nerf, tout au long de son développement. Si on arrive à comprendre comment les nerfs se développent, ce qui les fait aller du ganglion trigéminé vers la cornée, il sera donc possible d’utiliser ces mêmes molécules pour favoriser la repousse de ces nerfs dans la cornée. C’est précisément le domaine de recherche du Dr Alain Chédotal, qui travaille sur l’action des molécules pouvant favoriser cette repousse nerveuse et la stabiliser. La découverte de dizaines d’autres molécules agissant sur les nerfs cornéens est porteuse d’espoir pour la mise au point de futurs traitements favorisant la ré-innervation cornéenne. Ces facteurs trophiques ne peuvent cependant agir que si la section des nerfs n’est pas complète et qu’il en reste encore à stimuler dans la cornée.


Les collyres au sérum autologue, atout de l'hôpital des Quinze-Vingts

La pharmacie de l’hôpital des Quinze-Vingts a développé une spécialité qui fait sa réputation : les collyres au sérum autologue. Ceux-ci sont produits individuellement pour chaque patient, à partir de sang qui lui est prélevé. Le sérum autologue constitue en effet une source de facteurs de croissances intéressants pour la cornée, mais à des concentrations moindres que dans le collyre au NGF par exemple. Ces collyres sont par exemple utilisés dans les formes sévères de sécheresse oculaire résistantes aux thérapeutiques classiques et dans la cicatrisation des ulcères de cornée.

 

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Une technique de réinnervation innovante, la neurotisation cornéenne mini-invasive

Lors de certaines opérations chirurgicales, par exemple pour un neurinome de l'acoustique, ou une tumeur des méninges, il est fréquent que, du fait de la voie d’accès choisie, la branche oculaire du nerf trijumeau soit sectionnée. C’est elle qui est responsable de l’innervation de la cornée. Dans ce cas, la régénération nerveuse est impossible. Or, la relation entre nerfs et épithélium cornéens est loin d’être à sens unique. Comme indiqué plus haut, au-delà de leurs fonctions informatives, les nerfs sécrètent des peptides qui vont promouvoir la bonne santé de l’épithélium. Si son innervation est complètement supprimée, la cornée risque de s’amincir, jusqu’à la perforation. L’absence de nerfs rend de plus impossible le recours à une greffe, qui ne cicatriserait pas. Si cet état de fait est connu depuis au moins le premier tiers du 19e siècle, il est longtemps resté sans solution. Le Pr Nacim Bouheraoua a développé l’un de ces protocoles, dit de neurotisation en collaboration avec le Dr Hakim Benkhatar chirurgien ORL. Le concept de la neurotisation : dériver un nerf responsable de l’innervation d’une zone de moindre importance pour réanimer un territoire sensitif ou moteur majeur. Dans le cas de la technique mise au point par le Pr Nacim Bouheraoua et le Dr Hakim Benkhatar, et publiée en 2017, il s’agit de prendre le nerf grand auriculaire, un nerf sensitif périphérique qui donne la sensibilité du lobe de l’oreille, et de le connecter à la cornée d’une part et à un nerf du front, le supratrochléaire, d’autre part. Il s’agit en quelque sorte de faire un pontage nerveux, dans lequel le nerf prélevé sert de gaine pour diriger les fibres nerveuses vers leur nouvelle destination, ici : la cornée. Au bout d’environ trois mois, le patient commence à retrouver une innervation de la cornée. On peut d’ailleurs suivre cette progression de l’innervation en microscopie confocale. Cette néo-innervation est persistante dans le temps et permet le retour de la sensibilité cornéenne, autour de 9 mois post-opération.
Cette technique, nouvelle, permet par une opération de 2 h environ, la prise en charge des ulcérations neurotrophiques pour lesquelles il n’existait jusqu’ici aucune thérapie médicale ou mini-invasive. Si elle n’a cependant encore à son actif qu’une centaine de patients dont les résultats ont été publiés, elle est cependant très prometteuse. En effet, la neurotisation permet d’envisager une greffe de cornée secondaire, pour rendre sa transparence à l’œil et sa vision au patient, ce qui serait impossible sans la présence des rameaux nerveux. Cette approche chirurgicale est complémentaire de l’approche médicale, en effet une fois les axones présents au niveau de la cornée, il est alors possible de promouvoir leur repousse et leur maintien à l’aide de collyres contenant des facteurs de croissance ou à base de sérum autologue. Cependant, avec l’augmentation des indications pathologiques nécessitant une greffe, une pénurie de greffons commence à se faire sentir. Grâce aux progrès de la connaissance du renouvellement de l’épithélium cornéen, du stroma et de l’endothélium, d’autres thérapies innovantes sont en voie de développement. C’est notamment le cas des thérapies cellulaires.

 

Dons de cornée : en pratique

Les besoins annuels sont de 7000 dons de cornées, mais seules 4000 greffes sont réalisées par an, obligeant de nombreux patients à attendre un greffon avec un délai pouvant aller jusqu’à deux ans, dans des conditions invalidantes.

  • Moins connus que le don d’organe, le prélèvement et la greffe de cornée sont soumis aux mêmes règles de bioéthique.
  • Qui peut être donneur ? Toute personne peut décider de donner ses cornées après son décès. Même si vous êtes myope, portez des lunettes ou avez subi une opération de la cataracte, vous pouvez être donneur. Il existe peu de contre-indication.
  • Il n’y a pas d’âge pour donner.

Comment être donneur ? Simplement en le disant à mes proches, ou en adoptant la carte de donneurs d’organes.


www.agence-biomedecine.fr/Don-greffe-d-organes-et-de-tissus

 


Propos recueillis par Aline Aurias

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