En photo : Kate Grieve , directrice scientifique de l'unité d'imagerie oculaire Paris Eye Imaging,
au centre d'investigation clinique des Quinze-Vingts / Institut de la Vision. ©P. Kitmacher / Sorbonne Université
Le rôle crucial de l'imagerie
Point commun de toutes ces avancées : le rôle capital de l'imagerie rétinienne. Durant ces dernières années, l’imagerie en ophtalmologie a connu d'impressionnantes avancées, que ce soit dans le développement de systèmes ultra-grand champ, la considérable amélioration de la définition des images ou encore l'appui de l'intelligence artificielle. Pour dépister, diagnostiquer, suivre l'évolution de maladies rétiniennes mais aussi mieux connaître le système visuel et comprendre les mécanismes de certaines pathologies. Elle est éminemment cruciale pour le phénotypage des patients souffrant de pathologies rétiniennes, indispensable pour déterminer quelles cellules sont dégénérées et pour concevoir le chemin thérapeutique le plus approprié, mais aussi pour surveiller le succès thérapeutique chez les patients traités par thérapies génique et cellulaire. Or, à ce jour, les outils d'imagerie utilisés en clinique ne fournissent pas une résolution suffisante pour visualiser les cellules individuelles de manière non invasive, ce qui constitue un obstacle majeur au développement de ces thérapies.

En photo : la technologie de la tomographie par cohérence optique plein champs (FFOCT) permet l'acquisition de données sur la fonction rétinienne sans précédent. ©CIC
De nouveaux outils d'imagerie cellulaire
C'est à partir de ce constat que Kate Grieve, directrice scientifique de l'unité d'imagerie oculaire Paris Eye Imaging, qu'elle a cofondée avec le Pr Michel Paques et le Pr José-Alain Sahel au Centre d'investigation clinique du CHNO des Quinze-Vingts / Institut de la Vision, a élaboré le projet Optoretina, visant à terme à évaluer l'activité cellulaire in vitro et in vivo dans le cadre de thérapies génique et cellulaire. Elle a pour cela travaillé à développer une nouvelle technologie, la tomographie par cohérence optique plein champ (FFOCT), une imagerie optique interférométrique non invasive, qui lui a permis d'obtenir des résultats sans précédent, ainsi que l'ophtalmoscopie avec l’optique adaptative (AOO). Récemment, elle a également conçu une méthode dynamique de FFOCT en utilisant le mouvement des organelles intracellulaires, pour détecter le contraste métabolique et ainsi indiquer l'activité cellulaire. Ces nouveaux outils optiques non invasifs ont le potentiel de fournir, pour la première fois, des mesures subjectives et objectives de la fonction rétinienne.
De l'innovation au lit du patient
Dans le cadre du projet Optoretina, ces nouvelles méthodes d'imagerie - actuellement au stade de prototypes - seront adaptés pour stimuler la rétine avec de la lumière visible. Grâce à une précision extraordinaire jamais atteinte jusqu'alors, elles devraient permettre de tester la fonction visuelle des patients atteints de maladies rétiniennes héréditaires afin d'évaluer les cellules rétiniennes encore vivantes et d'orienter leur parcours thérapeutique. Elles devraient également permettre de réaliser des tests fonctionnels sur les organoïdes rétiniens in vitro - des mini-rétines fabriquées en 3D à partir de cellules souches pluripotentes induites, qui miment la rétine dans des conditions de fonctionnement normal. Enfin, ce programme permettra à terme de suivre les patients traités au centre hospitalier national des Quinze-Vingts avec de nouvelles thérapies géniques et cellulaires, et ce pour vérifier que la vision est préservée ou restaurée avec succès.
En photo ci-dessus : le projet Optoretina constitue une avancée majeure pour l'évaluation fonctionnelle in vitro et thérapeutique. ©P. Kitmacher / Sorbonne Université
Un projet d'excellence soutenu par l'ERC
La mission du Conseil européen de la Recherche (European Research Concil - ERC) est d'encourager la recherche de la plus haute qualité en Europe grâce à un financement compétitif et de soutenir la recherche exploratoire menée par les chercheurs dans tous les domaines, sur la base de l'excellence scientifique. En 2020, l’ERC a ainsi sélectionné 327 chercheurs de 39 nationalités (parmi plus de 2 500 candidatures du monde entier) pour financer le déploiement de leurs projets en Europe. Plusieurs types de bourses sont attribués. Avec son projet Optoretina, Kate Grieve a fait partie des 34 lauréats ERC Consolidator 2020 rattachés à la France - 15 étaient des femmes, 19 des hommes. Pour rappel, l'objectif des bourses Consolidator Grant est de permettre à des jeunes scientifiques, 7 à 12 ans après leur thèse, de constituer leur équipe de recherche autour d'un thème original et de soutenir les projets scientifiques sur des sujets ambitieux et comportant des risques. Grâce à ce prestigieux soutien financier, Kate Grieve et son équipe pourra mener à bien son projet sur les cinq prochaines années dans le but de développer de nouveaux outils qui permettront une évaluation fonctionnelle quantitative de l'activité cellulaire in vitro et in vivo. Et ainsi de lever les obstacles actuels de l'imagerie pour une application réussie des thérapies génique et cellulaire.