Une 1ère résolution sur la vision adoptée par l'ONU

C'est le 23 juillet 2021 qu'a été adoptée à l'unanimité par les 193 pays des Nations unies la première résolution sur la vision à l'échelle planétaire. Intitulée “Vision pour tous*”, celle-ci appelle les gouvernements, entreprises et autres institutions à agir pour permettre un accès complet des populations aux services de soins oculaires d'ici 2030 et, surtout, inscrit la santé oculaire dans la démarche plus globale de développement durable des nations.

Un effort mondial pour assurer un accès aux soins oculaires primaires

On estime aujourd'hui à 2,2 milliards le nombre de personnes souffrant de déficience visuelle ou de cécité dans le monde. Pour plus d’1,1 milliard d'entre elles, dont quelque 90 % vivant dans les pays en développement sans accès aux soins oculaires primaires, cela aurait pu être évité. Tel a été le principal constat du premier rapport mondial sur la vision, établi par l'Organisation mondiale de la santé en octobre 2019**. Sans oublier qu'en raison de l'augmentation et du vieillissement de la population mondiale, il est attendu que la moitié des habitants de la planète souffriront de déficiences visuelles d'ici 2050. Et ces chiffres n'ont pas manqué de faire réagir en permettant l'engagement, deux ans plus tard, des 193 pays membres de l'Organisation des Nations unies qui ont adopté à l'unanimité la toute première résolution entièrement consacrée à la vision (résolution n°A/RES/75/310), fortement défendue par l'IAPB, l'agence internationale pour la prévention de la cécité. “L'adoption de la résolution d'aujourd'hui sur la vision est un tournant dans les efforts mondiaux pour les soins de la vue”, exprimait alors SE l'Ambassadeur Rabab Fatima, représentant permanent du Bangladesh auprès des Nations Unies et coprésident du groupe des Amis de la vision des Nations Unies. Et Peter Holland, PDG de l'IAPB, d'ajouter : “Le secteur de la santé oculaire croit depuis longtemps que des soins oculaires de qualité sont essentiels pour que le monde atteigne les objectifs de développement durable.” Et SE l'ambassadrice Geraldine Byrne Nason, représentante permanente de l'Irlande auprès des Nations Unies, membre du Conseil de sécurité des Nations Unies et coprésidente du groupe des Amis de la vision des Nations Unies, de rappeler : “Si nous voulons atteindre les objectifs de développement durable sur l'égalité des sexes, nous devons reconnaître que le manque d'accès aux soins oculaires a un impact disproportionné sur les femmes et les filles. Cela peut avoir des conséquences dévastatrices sur l'éducation des filles, sans parler de la participation des femmes au marché du travail, de la pauvreté, du mariage des enfants et du rôle des femmes dans la protection de la santé et de l'éducation de leurs propres enfants.”

Plus d'un milliard de personnes souffrent dans le monde de déficiences visuelle et de cécité qui pourraient être évitées.

La santé visuelle, un axe de développement durable des nations

La promotion de la santé oculaire apparaît totalement indissociable de la réalisation des objectifs de développement durable que se sont fixés les nations. Et comme le rappelait SE l'ambassadeur Rabab Fatima, il sera impossible de mettre fin à la faim et à l’analphabétisme dans le monde si la santé oculaire n’est pas au cœur des politiques de santé générale.

• La pauvreté : la prise en compte de la santé visuelle s'intègre très justement dans ce grand défi mondial visant à éradiquer la pauvreté sous toutes ses formes et dimensions. À ce jour, 90 % des pertes de vision concernent les personnes à revenu faible ou intermédiaire, les pauvres et les plus pauvres étant les plus éloignés des services de soins. La perte de vision coûte d'ailleurs à l'économie mondiale 411 milliards de dollars chaque année, rien qu'en perte de productivité. Le port de lunettes correctrices peut augmenter la productivité de 22 % sur le lieu de travail.
• La faim : les soins oculaires sont également l'un des leviers pour lutter contre la faim dans le monde. Un chiffre : 46 %, c'est le pourcentage des ménages qui ont augmenté leurs revenus après une chirurgie de la cataracte.
• La santé et le bien-être : la résolution réaffirme le droit de tout être humain à jouir du meilleur état de santé physique et mental possible. Une mauvaise santé oculaire augmente le risque de mortalité jusqu'à 2,6 fois.
• L'éducation : l'accès aux soins oculaires a indéniablement un impact important sur le développement des enfants, et par conséquent sur la scolarisation, le niveau d'instruction, l'apprentissage d'un métier... 91 millions d'enfants ont une déficience visuelle mais n'ont pas accès aux services de soins oculaires auxquels ils pourraient prétendre. Le port de lunettes peut réduire de 44% les risques d'échec scolaire. Les enfants souffrant d'une perte de vision sont 2 à 5 fois moins susceptibles d'être intégrés dans les structures éducatives dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
• La réduction des inégalités : la résolution de l'ONU reconnaît que les problèmes de santé visuelle ont un impact tout à fait disproportionné sur les personnes en situation de vulnérabilité. Il s'agit notamment des femmes - la prévalence de la déficience visuelle est plus élevée chez les femmes que chez les hommes : 55% des personnes ayant une perte de vision sont des femmes et des filles. Mais aussi les enfants, les personnes âgées (73% des personnes ayant une perte de vision ont plus de 50 ans), les personnes en situation de handicap, les personnes réfugiées et déplacées...
• La sécurité des routes et des villes : la santé oculaire est également indispensable pour la sécurité routière et l'objectif de rendre les villes plus sûres et inclusives. Une cataracte non opérée peut par exemple augmenter le risque d'un accident de la route de 2,5 fois.
• L'environnement et le climat : le secteur de la santé, dont celui de la santé oculaire, est responsable pour 4,4 % des émissions de gaz à effet de serre et entraîne d'autres impacts sur l'environnement. Le changement climatique peut également accroître la prévalence des affections oculaires et perturber les services et l'accès aux services de soins.

Les actions clés de la résolution Vision pour tous

Pour que soit réalisé l'objectif de proposer des soins ophtalmologiques pour tous d'ici à 2030, la résolution Vision pour tous invite les états membres à en garantir l'accès et mobiliser toutes les ressources nécessaires pour permettre aux 1,1 milliard de personnes souffrant de déficiences visuelles ou de cécité évitables de bénéficier des soins dont ils ont besoin. Pour cela, l'ONU encourage les états à mettre en place des systèmes intégrés et globaux, c'est-à-dire développer des approches pangouvernementales de la santé oculaire, en créant des synergies en lien avec d'autres priorités de développement et en renforçant leur collaboration avec les universités, les instituts de recherche, la communauté scientifique, la société civile, le secteur privé, etc. Enfin, elle invite les institutions financières internationales ainsi que les donateurs à fournir des financements ciblés appropriés, notamment pour les pays en développement, et lancer une grande campagne mondiale sur la santé oculaire.

Deux mécanismes de suivi des progrès

Pour veiller à ce qu'il n'y ait aucun laissé-pour-compte d'ici 2030, la résolution Vision pour tous à mis en place deux mécanismes de suivi des progrès réalisés à l'échelle mondiale.

• Le groupe d'experts des Nations unies devra inclure les données de la santé oculaire lors de la prochaine session en 2025 de la commission des statistiques, chargée d'analyser les indicateurs mondiaux dans le cadre des objectifs de développement durable.
• Les pays devront rendre compte de leurs progrès en matière de santé oculaire dans le cadre de leurs examens nationaux volontaires (ENV) présentés au Forum politique de haut niveau (le principal mécanisme de rapport pour la réalisation des objectifs de développement durable).

* Organisation des Nations unies, “Vision for Everyone: Accelerating action to achieve the Sustainaible Development Goals”, résolution n°A/RES/75/310 votée le 23 juillet 2021.
**CP Organisation mondiale de la santé, “L’OMS lance son premier Rapport mondial sur la vision”, à Genève, le 8 octobre 2019.